BLEU TOUAREG

Publié le par Rêves de B::::




 

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Pourquoi on vit pour elle, lui, eux, nous...

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Dimanche jour de fête des mères, une petite vente de bijoux Touareg s'est organisée chez moi. Hors mis le fait que je voulais mettre un grain de sable d'humanité pour aider - un peu - des forgerons du Niger, je remarquai quand même que j'y mettai une certaine importance c-a-d ça me tenait à coeur. Et ce soir, voilà soudain qu'il m'apparaît, très clairement, ma traversée du désert.

Je traverse le désert, cet endroit qui s'appelle le Tanezrouft.
Puis me voilà aux confins de l'Algérie, j'entre dans un petit village, son nom AGELHOC. La
4 roues motrices souffle un peu.

Je m'en vais seule dans ce petit village, nu, simple, silencieux. Je déambule...Au détour d'une rue comme on dit, un portail de fer, un peu rouillé, entre-ouvert, la cour intérieure est déserte, curieuse je m'avance, juste pour voir comment on vit ailleurs. Un pas, deux pas, trois, trop tard...A ma gauche, des hommes en turban et grande robe boivent le thé à l'ombre en grande discussion, sérieux et dignes .
Je recule, prête à partir. L'homme au visage émacié, joues creuses, nez aquilin, lunettes étroites, en écaille,  aux verres très foncés, me hèle.

Toujours poussée par ma curiosité j'avance et la conversation s'engage.
Intimidée devant eux, je fais confiance, intuitive. L'homme au visage en lame de couteau me propose de traverser de nuit et avec lui le Marcouba jusqu'à Gao. On fait convoi, me dit-il, et il me décrit ses voitures et son chargement.
Pourquoi pas.

Traverser de nuit le Marcouba avec des Touaregs me rend ma confiance. Le Marcouba est connu pour ses galères d'ensablemment. Je reviens vers mon véhicule et fébrile fais part de la proposition au conducteur. Finalement après multe discussions il se rend à mon jugement, les présentations sont faites.
Dans la nuit nous partons à 3 véhicules. Nous avons un treuil, "ils" n'en ont pas...
Un cousin du Chef monte avec nous.
Les pistes disparaissent et nous sortons du balisage. On roule vers toutes les étoiles du ciel dans ce bleu-nuit pur et infini.
On roule à travers ce désert à peine distingué, des trous, des rochers et toujours les étoiles.
La force de cette nuit.

On s'arrête, du thé, des cigarettes, un feu. Je suis la seule femme mais aucune frayeur ne m'habite, aucun sentiment de défiance. On parle et on repart. Vers 3H du matin, le campement est là. Nos amis de convoi, des contrebandiers (sucre, thé, cigarettes) veulent se reposer. Une de leurs femmes réveillée par le bruit, se lève; dans ses voiles elle prépare un thé et s'asseoit avec nous. On sourit.
La nuit se passe calme et sereine. Le lendemain les enfants, les femmes tous viennent et mangent avec nous  sauf Lallah.
Une petite fille de 3 ou 4 ans mise en quarantaine pour mauvais caractère. Elle est battue et punie très souvent. Elle se tient éloignée. Une longue mèche au sommet de son crâne rasé si en cas de malheur les cieux l' emportaient..
Je la regarde, on s'observe, comme j'aimerais tout lui donner.  De loin elle me regarde, ses habits n'en sont pas, elle ne chasse pas les mouches de ses yeux. Son regard d'amandes brunes me fixe.
Le Chef me dit: "Tu la veux? Je te la donne!"
Une tempête de sable s'ensuit, on se replie sous tente, les chamelles et leurs petits s'énervent...Je ne vois plus rien mais avec eux quelle importance...
Nous parlons de tout, de rien, de leur bonheurs, des durs moments de leur vie, de leur intimité. Nous nous accordons toute confiance.
Nous repartons, on tue une chèvre, tête en bas dans un arbre sa peau est enlevée. On roule.
Un homme marche vers la voiture un jerrican et une gourde dans les mains, paroles, gestes, on lui donne "un peu" d'eau, le puit est par là et il repart placide sans un mot.
Puis le voyage fini nous restons, tous ensemble, une semaine en ville comme pour faire durer ces moments de magie.
Cinq ans plus tard, un autre voyage, le même arrêt au même endroit. Le chef est absent mais un homme du convoi nous reconnait, nous aussi c'est S.

On se serre, on s'étreint, des sourires.  Il m'entraîne chez lui, sa femme est là assise dehors, il lui parle en tamachèque.

Elle enlève de son doigt un drôle de petit anneau en argent strié et me le tend dans un  geste simple d'amitié.

 

 

 



 

Publié dans MES PETITS TEXTES

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R
Tu nous a fait voyager rien qu'en lisant cet article, magnifiquement bien écrit, une expédition extraordinaire, quelle chance de vivre de tels moments, bonne soirée
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R
Merci pour vos coms, je répondrai chez vous.
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I
Bonjours, quelle belle histoire humaine. Moi aussi j'ai rêvé de partir comme ça. Quel courage pour une femme. Quand est-ce que tu repart? Tu as pris des photos? J'aimerai bien les voir sur ton blog.Bonne journée à toi et merci pour ton article.Ina
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Ben dis-donc, quelle expédition ! Risqué quand même non ?Charly...
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